La question revient souvent, dans les cabanes des pêcheurs, au gré du flot ou sur les quais : que change vraiment la présence du silure pour la faune piscicole locale ?
- Le silure est un superprédateur, doté d’un appétit large.
- Il consomme poissons, écrevisses, mollusques, mais aussi canards ou rats musqués occasionnellement.
- Sa masse, son rythme, son intelligence de chasse bousculent la ponctuation naturelle des bancs de poissons.
1. Prédation accrue sur certaines espèces
Des études récentes menées sur la Garonne et la Loire (source : INRAE, Fédération de pêche 37) révèlent que dans certains secteurs, plus de 60% de l’alimentation du silure est constituée de poissons autochtones : brèmes, rotengles, gardons, et surtout sandres ou carpes juvéniles.
Un silure adulte peut ingérer jusqu’à 5% de son poids par jour, soit plus de 3 kg pour un individu moyen. Cette pression de prédation a déjà provoqué, localement, une chute de 20 à 50% des populations de certains poissons blancs, notamment près de zones à densité élevée de silures (source : Fédération de Pêche de l’Isère).
2. Modification du comportement des poissons locaux
La présence du silure modifie profondément le comportement des autres poissons :
- Espèces phares (perche, sandre, black-bass) : ces carnassiers, habituellement au sommet de la chaîne, s’effacent face à ce rival plus massif. Ils fuient certaines zones, changent de rythme de vie, leurs juvéniles sont pourchassés plus intensivement.
- Poissons blancs : ils évoluent moins à découvert, se réfugient plus longtemps dans la végétation, leurs moyennes de tailles peuvent baisser — on observe moins de gros spécimens.
- Migrateurs (alose, anguille, lamproie) : lors de leurs migrations, les embouchures, ponts et obstacles sont devenus des « embuscades » pour les silures, qui guettent les poissons fatigués, parfois en groupe (source : publication INRAE 2022).
Une expérience marquante sur le Lot a révélé, à l’aide de balises acoustiques, que jusqu’à 30% des aloses marquées étaient consommées par des silures lors de leur migration de frai (source : Plan Loire Grandeur Nature).
3. Impacts indirects : équilibre perturbé
Le silure ne fait pas qu’avaler, il déplace. Son appétit agit comme un filtre : certaines espèces reculent, libérant parfois une place pour d’autres, issues d’eaux plus chaudes ou tolérantes (perche soleil, poisson-chat).
- L’arrivée du silure a favorisé, localement, la raréfaction de brochets juvéniles ou de sandres dans certaines frayères.
- À l’inverse, quelques études suggèrent que la diminution des « blancs » permet aux perches communes, moins ciblées par le silure, de se maintenir.
- Certains poissons, comme la bouvière ou le hotu, jugés peu appétissants ou trop discrets, semblent presque protégés momentanément.
En modifiant la chaîne alimentaire, le silure réécrit, en partie, le scénario des espèces anciennes — et offre parfois un refuge temporaire aux nouveaux venus.