Métaux lourds, héritage industriel
À marée basse, les vasières révèlent parfois les reliques chimiques des siècles passés. Depuis le développement industriel du XIXe siècle, l’estuaire a reçu d’importantes quantités de plomb, cadmium, zinc, mercure. Les usines de la rive droite (Bassens, Ambès, Saint-Louis-de-Montferrand) ont longtemps rejeté directement dans la Garonne, le fleuve servant d’exutoire naturel.
- Plomb et zinc : En 2018, on estime que la Garonne et la Dordogne transportaient encore, chaque année, entre 0,5 et 1,5 tonne de plomb et près de 20 à 30 tonnes de zinc vers l’estuaire (Agence de l’Eau Adour-Garonne).
- Mercure : L’arrêt de la production de chlore par électrolyse a réduit les apports, mais les sédiments gardent la trace, et le relargage naturel (remise en suspension) persiste.
- Cadmium : Les stations de suivi constatent une baisse depuis la fin des années 1980, mais des pics peuvent surgir lors de crues ou de dragages portuaires.
Hydrocarbures et solvants : la part des énergies fossiles
L’estuaire héberge la plus grande zone pétrochimique du sud-ouest. Raffineries, dépôts, transports maritimes et fluviaux sont sources de hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) : substances toxiques issues des fuites, lavages de cuves, accidents ou simples eaux de ruissellement.
- Chaque année, plusieurs centaines de kilos de HAP et d’huiles usagées sont identifiés dans les eaux estuariennes. Une enquête du BRGM (2020) recensait, de 2010 à 2018, 28 incidents majeurs liés à des déversements accidentels sur le secteur (source : BRGM Rapport RP-69316-FR).
- Les dragages réguliers des chenaux, nécessaires à la navigation maritime, remettent en suspension cette pollution stockée dans les sédiments, accroissant la concentration locale.
Rejets chimiques, micropolluants : la nouvelle frontière
Les industriels du bassin libèrent des milliers de molécules dont certaines restent méconnues, dites « micropolluants émergents » : résidus pharmaceutiques, perturbateurs endocriniens, plastifiants (phtalates), biocides agricoles.
- En 2023, la mission « Observatoire de l’Estuaire » (Ifremer / Agence de l’Eau, Ifremer) a détecté plus de 60 molécules distinctes dans l’eau, dont le tramadol, et divers pesticides (glyphosate détecté sur 79 % des prélèvements en juin 2022 en amont de l’estuaire).
- La présence de microplastiques dans les organismes aquatiques (moules, poissons) est désormais avérée, avec des concentrations estimées à 1750 fragments/km² dans le secteur fluvial (Science of the Total Environment, 2021).
- Effet cocktail : L’accumulation de plusieurs polluants (métaux, HAP, biocides) produit un impact souvent supérieur à la somme individuelle, un phénomène encore mal documenté mais surveillé par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES).