Équilibres fragiles, effets cumulatifs
Sur l’estuaire, le plus petit ruisseau charrie parfois la plus grande menace. Les poissons, amphibiens et oiseaux vivent dans un environnement où la qualité de l’eau conditionne tout : reproduction, alimentation, migrations. L’introduction de substances étrangères, même en infimes quantités, suffit à bousculer ces rythmes.
Des études menées sur la Gironde révèlent que 30% des sites suivis montrent une concentration de pesticides supérieure à la norme européenne pour la protection de la vie aquatique (source : IFREMER, rapport 2020). Les amphibiens, dont la peau perméable absorbe tout ce qui se trouve dans le milieu, sont parmi les premiers à en souffrir.
Un autre impact majeur est l’eutrophisation : l’excès d’azote et de phosphore entraîne d’immenses proliférations d’algues. Ces "marées vertes" étouffent les fonds, consomment tout l’oxygène, provoquent la disparition des poissons sur des kilomètres. Au niveau national, près de 50 % des masses d’eau superficielles françaises présentent un risque d’eutrophisation (Agence Européenne pour l’Environnement).
Métaux lourds et polluants émergents : les résidus du progrès
Certains dangers sont moins spectaculaires, mais insidieux : le mercure, le plomb, les PCB (polychlorobiphényles, interdits depuis 1987 mais toujours présents). Ils s’accumulent dans les sédiments, remontent la chaîne alimentaire.
- Chez la lamproie ou l’anguille, espèces emblématiques de l’estuaire de la Gironde, des taux élevés de mercure ont conduit à l’interdiction temporaire de leur commercialisation à la consommation dans les années 2010 (INRAE).
- Les PCB, quant à eux, persistent dans les tissus vivants et affectent la reproduction de nombreux oiseaux piscivores.
À ces polluants anciens s’ajoutent les "nouveaux contaminants" : médicaments, hormones, anti-inflammatoires, pesticides de nouvelle génération... une part croissante de la pollution dite “diffuse”, difficile à mesurer et encore plus à éliminer (source : Le Monde, 2023).