Les enjeux dépassent le choc écologique pur. C’est la relation de l’humain à l’estuaire, à son histoire, à sa capacité d’accueil, qui se joue ici. De nouveaux modes de gouvernance prennent forme : dialogues entre industriels et riverains, tables rondes publiques organisées deux fois l’an à Pauillac, ou comité scientifique de suivi indépendant (CSSI) à Bordeaux, depuis 2021.
Reste la question du suivi sur le temps long, et de l’adaptation aux polluants furtifs. Face à des molécules qui voyagent loin et longtemps (comme les PFAS, dits « polluants éternels », seulement détectés sur la zone du Bec d’Ambès depuis fin 2022, selon le rapport de la DREAL), la vigilance collective est de mise. Certains chercheurs de l’université de Bordeaux testent déjà la dépollution par champignons ou « mycoremédiation », tandis que des expérimentations sont lancées au port de Mortagne-sur-Gironde sur le filtrage par biofilms bactériens.
L’avenir de la gestion des déchets industriels ressemble à l’estuaire lui-même : mouvant, entre flux et reflux. Rien n’est figé mais chaque avancée compte. La reconnaissance de ce qui est à défendre — le chant des barges, la limpidité retrouvée d’une crique oubliée, la santé de ceux qui vivent du fleuve — inspire chaque décision prise collectivement.
Les déchets industriels ne sont plus seulement une question d’infrastructures ou de règlements : ils questionnent notre manière d’habiter un territoire, d’y rêver, d’y transmettre. Prendre soin de l’estuaire, c’est préserver cette part d’incertitude et de promesse qui coule entre ses rives.